Hai să mergem la Iaşi!

Publié le par Pierre Macé

      Je n'aurais bientôt plus la possibilité de le faire alors je voudrais vous faire visiter ma ville une dernière fois. Allons donc visiter Iaşi!

Une des routes d'accès nord de la ville!


Bine aţi venit la Iaşi! (joli monument non?)



Une vue sur une partie de la ville:



     Aujourd'hui est le dernier jour du festival du tilleul. Dans le parc Copou -que j'adore- on a sorti la fanfare, les pom-pom girls, des gens qui font les statues tout habillés en queues de pie et robes de soirées du XIXe roumain, un type habillé en dragon jaune à pois multicolores, un autre tout en vert habillé pour la Saint Patrick's, une scène avec des piécettes de théatre et le vieux tramway est de sortie. Le festival du tilleul c'est la fête d'un très vieil arbre qui se trouve au coeur du parc Copou et aux pieds duquel Mihai Eminescu, le grand poète national roumain, trouva dit-on l'inspiration pour de nombreux poèmes. Si Iaşi n'est peut-être pas la capitale culturelle de la Roumanie comme elle le proclame, elle en est en revanche sans aucun doute la capitale littéraire. C'est Eminescu et ses célèbres amis écrivains qui dans la seconde moitié du XIXe siècle, alors qu'ils résidaient à Iaşi, créérent la véritable langue roumaine moderne et offrirent à la Roumanie ses meilleures oeuvres littéraires. Ce fut une période particulièrement propice. Chaque grand écrivain a son musée et il y a ainsi une douzaine de musées littéraire dans tout Iaşi!

Un des nombreux antiquaires du centre ville.


     Ces écrivains sont de véritables héros nationaux en Roumanie -et tout particulièrement à Iaşi- et il n'y a guère que le prince moldave Ştefan cel Mare (Étienne le Grand) -le Charles Martel local- pour les égaler dans la ferveur qu'ils inspirent parfois.

C'est le festival du tilleul donc (le « tei »), un arbre qui comme les peupliers impairs (les « plopii fără soţ ») était à la limite de l'obsession pour Mihai Eminescu. Jugez un peu par un de ces courts poèmes; Şi dacă de cu ziuă.../Si jamais il m'advient...:

Şi dacă de cu ziuă se-ntâmplă să te văz

Desigur că la noapte un tei o să visez,

Iar dacă peste ziuă eu întâlnesc un tei

În somnu-mi toată noaptea te uiţi în ochii mei.

C'est beau quand même! En tout cas moi j'aime! Et ça se traduit par:

Si jamais il m'advient de te voir le matin,

Je verrais un tilleul en rêve c'est certain.

Mais si c'est un tilleul que je vois en chemin,

Tes yeux toute la nuit brilleront dans les miens.

(une traduction du professeur de roumain Jean-Louis Courriol)

 

Vue sur l'entrée de Copou, le bâtiment central en angle est la bibliothèque universitaire centrale, depuis le restautant Panoramic au dernier étage de la Tour Unirea.

 


          Copou, la colline universitaire, cette véritable ville-forêt n'est que le vestige d'un passé urbain plus doux que le présent. Car depuis son heure de gloire où elle fut capitale de la Roumanie et où elle vit naître une partie de l'âme roumaine dans l'oeuvre de ses écrivains (Eminescu et ses amis), la ville a beaucoup souffert. Elle a perdu la moitié de son âme quand les juifs -qui représentaient la moitié de sa population soit 50.000 personnes- ont été tué ou ont fui. Puis elle a souffert architecturalement de l'oeuvre abominable des communistes. Mais la ville n'est pas morte et de son passé lettré et intellectuel elle a gardé cette prétention d'être la capitale culturelle du pays et elle essaie de s'en donner les moyens. Bien souvent elle n'y arrive pas vraiment, la municipalité ne fait sans doute pas assez d'efforts pour la culture mais elle n'en a pas vraiment les moyens financiers (Iaşi est une ville qui vient d'acheter des autobus à 1000 euros l'unité -avec la qualité qui va avec-, c'est dire si elle a les moyens de ses ambitions!). Vingt ans après la chute du communisme, la vie associative naît cependant progressivement. Les associations -surtout les associations étudiantes- les centres culturels étrangers et la municipalité organisent durant toute l'année des festivals culturels et festifs, et toujours gratuits!

                           Festival étudiant Festudis


      À l'automne la festive et populaire fête de Iaşi se mèlent aux pélerinages de dizaines ou centaines de milliers d'orthodoxes (Iaşi est la capitale de l'orthodoxie roumaine) et cette année les Romanian Music Awards, des spectacles de danse traditionnelle toute l'année, des festivals de théatre dans divers lieux de la ville, la fête de la bière avec ses concerts et surtout ses 400ml de bière à 50 centimes d'euro, le festival étudiant Festudis qui a pour but de relâcher la pression au milieu des examens ou encore dernièrement la fête des enfants qui a vu venir l'équivalent roumain de Jordy: la petite Cleopatra! Un grand concert.... En tout cas, un grand souvenir!


     Iaşi ne possède que peu d'industries et seulement quelques bureaux, son économie ne repose quasiment que sur le prestige de ses universités -prestige sans doute sur-fait mais néanmois très présent- et sur ses fonctions administratives et hôpitalières régionales. Une très grande partie des passagers de l'aéroport et des personnes qui dorment la nuit dans la quinzaine d'hôtels *** et **** de la ville sont des professeurs et maîtres de conférence en visite à Iaşi. La ville ne vit donc que par sa jeunesse, une jeunesse d'Europe de l'Est qui découvre avec passion la société de consommation, les grosses voitures parfois et la liberté de moeurs! C'est à Iaşi aussi qu'est née un loisir qui se répand progressivement dans tout le pays: l'herbe légale! Un premier magasin a ouvert en mars, puis tous les trois jours environ pendant trois mois, un nouveau magasin ouvrait en ville et on en a aujourd'hui une bonne trentaine (quand il n'y en a encore que deux ou trois à Bucureşti). Cette herbe tout à fait légale, et dit-on assez puissante, se vend plutôt bien et Iaşi est fière d'avoir été une nouvelle fois à l'avant-garde de la Roumanie!


      Iaşi, qui, de toutes les villes roumaines, est peut-être finalement l'une des plus typiques est une ville de Djs et de libertines sur-maquillées et aux jupes très courtes, une ville de gros costauds en tunning, mais aussi une ville d'antiquaires et de vieilles dames lettrées, une ville d'étudiantes en droit naïves à la recherche d'un mari, une ville de tziganes fleuristes ou musiciens, d'étudiants en médecine pakistanais et de mendiants ayant perdu toute dignité. C'est une ville d'ouvriers désabusés et de professeurs d'université vivant en « bloc » (HLM), une ville de vieux ivrognes et de retraités passant leurs journées au parc à jouer aux échecs ou au bergammon, une ville de lycéens attachants cherchants à afficher leur personnalité à travers leurs tenues, une ville de milliers de chauffeurs de taxis, de policiers municipaux ou d'étudiantes cumulant à la fac un temps-plein de serveuse, tous ayant un même salaire de 300 euros mensuels. C'est une ville de vendeurs impolis et de politiciens corrompus mais aussi d'autres qui essaient avec toute leur énergie de préparer la ville à un futur meilleur. C'est la ville de dizaines de milliers de chiens errants, de corbeaux, de pigeons et de moineaux -je n'ai jamais vu d'endroit avec autant d'oiseaux-. Mais c'est aussi la ville où des dizaines de milliers d'enfants, qu'ils soient riches ou miséreux, vivent exactement comme n'importe quel enfant et ont les mêmes rêves.

Strada Cuza Voda


       Enfin, pendant un an, ce fut ma ville et celle de mes collègues étudiants étrangers et nous n'avons pas été ici en vacances, nous n'avons pas fait semblant de vivre ici, nous avons vraiment vécu ici et tous ces gens ont été nos concitoyens. Pendant quelques dizaines d'heures encore, cette ville va être pour moi le centre du monde.

Cette ville, malgré toutes ses imperfections, je l'aime inconditionnellement. Il n'y a pas d'endroits au monde où j'ai eu et où j'ai plus d'amis et pas d'endroits au monde où j'ai été plus heureux.

       În timpul unui an de zile, în Iaşi am trăit ca un adevărat ieşean şi am avut dreptate să mă simt aşa.


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A
Quelle rapidité ! Je vous remercie pour votre réponse et vous tiendriez au courant à mon retour. Bonne continuation et peut-être à une prochaine à Iasi, qui sait !
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P
Merci pour votre intérêt. Je n'ai pas été client de ces magasins, toutefois, je sais qu'il y en a un peu partout, notamment Bvdul Independentiei ou Strada Lapusneanu dans le centre ville. S'ils n'ont pas fait faillite depuis juin...<br /> Merci pour votre encouragement, mais je ne reste pas en France, je repars direction l'Angleterre dans quelques jours. Erasmus donne des aides...
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A
Bonjour, je tenais tout d'abord à vous faire part du plaisir que j'ai pris a lire votre blog sur la Roumanie et plus particulierement sur Iasi, qui est ma ville d'origine. Je vous contact car un de vos articles m'a tapé dans l'oeil, vous dites que de nombreux coffee shops on ouvert a Iasi depuis mars ? Car en réalité je suis consommateur de cannabis et je vais a Iasi tous les ans, j'y vais d'ailleurs cet hiver et je me demandais si vous pouviez m'indiquer dans quels coins de la ville je pourrais en trouver ? Merci d'avance et bon courage pour la reprise en France.
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A
Bonjour, je tenais tout d'abord à vous faire part du plaisir que j'ai pris a lire votre blog sur la Roumanie et plus particulierement sur Iasi, qui est ma ville d'origine. Je vous contact car un de vos articles m'a tapé dans l'oeil, vous dites que de nombreux coffee shops on ouvert a Iasi depuis mars ? Car en réalité je suis consommateur de cannabis et je vais a Iasi tous les ans, j'y vais d'ailleurs cet hiver et je me demandais si vous pouviez m'indiquer dans quels coins de la ville je pourrais en trouver ? Merci d'avance et bon courage pour la reprise en France.
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